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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 16:28

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Deux extraits de La révolution inconnue (1917-1921), de Voline.

 

NDB : Si Voline est justement impitoyable à l'encontre du pouvoir « communiste » qui s'installe alors, j'ai décidé de couper les passages qui ne relèvent pas du fond qui m'intéresse ici : le point de vue anti-gestionnaire et sa nécessité de principe. C'est à dire que j'ai coupé la plaidoirie proprement anti-bolchevique quand elle est trop redondante, et la plaidoirie anarchiste. Malgré les coupes il reste de la redondance, mais c'est Voline...

 

 

En introduction, un résumé du pouvoir vacant de février à octobre 1917:

 

 

"Tous les gouvernements conservateurs ou modérés qui se suivirent, de février à octobre 1917, prouvèrent leur impuissance à résoudre, dans les conditions données, les problèmes d'une gravité et d'une acuité exceptionnelles, posés devant le pays par la révolution : telle fut la raison principale pour laquelle ce pays jeta successivement à terre, dans le court espace de huit mois, le gouvernement bourgeois conservateur d'allure constitutionnelle, la démocratie bourgeoise et, enfin, le pouvoir socialiste modéré.

 

 

Deux faits, surtout, marquèrent cette impuissance :

1° l'impossibilité pour le pays de continuer la guerre, et, pour les gouvernements en question, de la cesser ;

2° l'urgence que le pays prêtait à la convocation de l' Assemblée Constituante et l'impossibilité où se trouvait ces gouvernements de la convoquer.

 

La propagande vigoureuse de l'extrême gauche pour l'arrêt immédiat de la guerre, pour la convocation rapide de la Constituante et pour la Révolution sociale intégrale comme seul moyen de salut, avec d'autres facteurs de moindre importance, animèrent cette marche foudroyante de la révolution.

 

Ainsi la Révolution russe, déclenchée fin février 1917 contre le tsarisme, brûla rapidement les étapes d'une révolution politique bourgeoise : démocratique et socialiste modérée.

 

En octobre, le chemin étant déblayé de tous les obstacles, la révolution se plaça effectivement et définitivement sur le terrain de la Révolution sociale. Et il fut tout à fait logique et naturel que, après la faillite de tous les gouvernements et partis politiques modérés, les masses laborieuses se tournassent vers le dernier parti existant, le seul qui restât debout, le seul qui envisageât sans crainte la Révolution sociale, le seul qui promît, à condition d'arriver au pouvoir, la solution rapide et heureuse de tous les problèmes : le parti bolcheviste.

 

 

 

 

 

 

 

Livre deuxième : le bolchevisme et l'anarchie,

 

3ème partie : après octobre,

 

chapitre II

 

 

 

 

[…]Pour voir ce qu'est devenue par la suite la Révolution russe, comprendre le véritable rôle du bolchevisme et discerner les raisons qui -une fois de plus dans l'histoire humaine- transformèrent une magnifique et victorieuse révolte populaire en un lamentable échec, il faut, justement et avant tout, bien [intégrer deux idées...je vous laisse la première]

 

La seconde vérité -qui est plutôt un ensemble logique de vérités- complète la première en lui apportant quelques précisions :

 

 

1° Tout pouvoir politique crée, inévitablement, une situation privilégiée pour les hommes qui l'exercent. Il viole ainsi, dés le début, le principe égalitaire et frappe déjà au cœur la Révolution sociale, mue en grande partie par ce principe.

 

 

2° Tout pouvoir politique devient inévitablement une source d'autres privilèges, même s'il ne dépend pas de la bourgeoisie. S'étant emparé de la Révolution, l'ayant maîtrisée, bridée, le pouvoir est obligé de créer son appareil bureaucratique et coercitif, indispensable pour toute autorité qui veut se maintenir, commander, ordonner, en un mot - « gouverner ». Rapidement, il attire et groupe autour de lui toutes sortes d 'éléments aspirant à dominer et exploiter. Il forme ainsi une nouvelle caste de privilégiés, d'abord politiquement et par la suite économiquement : dirigeants, fonctionnaires, militaires, policiers, membre du parti au pouvoir (une sorte de noblesse), etc..., individus dépendants de lui, donc prêts à le soutenir et le défendre contre tout et contre tous […]

 

 

3° Tout pouvoir cherche plus ou moins à prendre entre ses mains les rênes de la vie sociale. Il prédispose les masses à la passivité, tout esprit d'initiative étant étouffé par l'existence même du pouvoir et dans la mesure où celui-ci s'exerce. […]

 

 

4° Aucun pouvoir politique n'est capable de résoudre effectivement les gigantesques problèmes constructifs de la révolution. Le pouvoir « communiste » qui s'empare de cette énorme tâche et prétend la réaliser se montre, sous ce rapport, particulièrement piteux.

 

En effet sa prétention consiste à vouloir et à pouvoir diriger toute la formidable activité, infiniment variée et mobile de millions d'êtres humains. Pour s'en acquitter avec succès, il doit pouvoir embrasser à tout instant l'immensité incommensurable et mouvante de la vie : pouvoir tout connaître, tout comprendre, tout entreprendre, tout surveiller, tout pénétrer, tout voir, tout prévoir, tout saisir, tout arranger, tout organiser, tout mener. Or il s'agit d'un nombre incalculable de besoins, d'intérêts, d'activités, de situations, de combinaisons, de transformations, donc de problèmes de toutes sortes et de toute heure, en mouvement continu.

 

Bientôt, ne sachant plus où donner de la tête, le pouvoir finit par ne plus rien saisir, rien arranger, rien diriger du tout. Et, en premier lieu, il se montre absolument impuissant à réorganiser efficacement la vie économique du pays. Celle-ci se désagrège vite. […]

 

Il en résulte tout d'abord, fatalement, une politique de contrainte, surtout vis à vis des paysans pour les obliger à continuer malgré tout à nourrir les villes.

 

Ce procédé étant peu efficace, surtout au début, et les paysans recourant à une sorte de résistance passive, la misère s'installe en maîtresse dans le pays. […]

 

 

5°Pour maintenir la vie économique du pays à un niveau supportable, il ne reste au Pouvoir, en définitive, que la contrainte, la violence, la terreur. Il y recourt de plus en plus largement et méthodiquement. Mais le pays continue à se débattre dans une misère effrayante, allant jusqu'à la famine.

 

6° L'impuissance flagrante du pouvoir à doter le pays d'une vie économique normale, la stérilité manifeste de la révolution, les souffrances physiques et morales créées par cette situation pour des millions d'individus, une violence qui augmente tous les jours en arbitraire et en intensité : tels sont les facteurs essentiels qui bientôt lassent et écœurent la population, la dressent contre la Révolution et favorisent ainsi la recrudescence d'un esprit et de mouvement antirévolutionnaires. Cette situation incite les très nombreux éléments neutres et inconscients -jusqu' alors hésitants et plutôt favorables à la Révolution- à prendre nettement position contre celle-ci et tue, finalement, la foi chez beaucoup de ses propres partisans.

 

 

7° Un tel état de choses fait non seulement dévier la marche de la Révolution, mais compromet aussi l’œuvre de sa défense. Au lieu d'avoir des organismes sociaux (syndicats, coopératives, associations, fédérations, etc..) actifs, vivants, normalement coordonnés, capables d'assurer le développement économique du pays et d'organiser, en même temps, la défense de la Révolution par les masses elles-mêmes contre le danger de la réaction (relativement anodin dans ces conditions), on a, à nouveau, quelques après la désastreuse pratique étatiste, une poignée d'affairistes et d'aventuriers au pouvoir, incapables de justifier et de fortifier normalement la Révolution qu'ils ont horriblement mutilée et stérilisée. Maintenant, ils sont obligés de se défendre eux-mêmes (et leurs partisans) contre les ennemis de plus en plus nombreux, dont l'apparition et l'activité croissante sont surtout la conséquence de leur propre faillite.

 

 

Ainsi, au lieu d'une défense naturelle et aisée de la Révolution sociale, on assiste une fois de plus à ce spectacle déconcertant : le Pouvoir en faillite, défendant par tous les moyens, souvent les plus féroces, sa propre vie.

 

Cette fausse défense est naturellement organisée par en haut, à l'aide des anciennes et monstrueuses méthodes politiques et militaires qui « ont fait leurs preuves » : main-mise absolue du gouvernement sur la population tout entière, formation d'une armée régulière aveuglément disciplinée, création d'institutions policières professionnelles et de corps spéciaux farouchement dévoués, suppression des libertés de parole, de presse, de réunion et surtout d'action, instauration d'un régime de terreur, de répression, etc... Il s'agit là à nouveau du dressage et de l'abrutissement des individus en vue d'obtenir une force entièrement soumise. Dans les conditions anormales où se déroulent les événements, tous ces procédés acquièrent rapidement un degré de violence et d'arbitraire. La décrépitude de la Révolution avance à grands pas.

 

 

 

8° Le « pouvoir révolutionnaire » en faillite se heurte inévitablement, non seulement aux ennemis « de droite », mais aussi aux adversaires de gauche, à tous ceux qui se sentent porteurs de la véritable idée révolutionnaire foulée aux pieds, ceux qui luttent pour elle et se dressent pour sa défense. Ceux-ci attaquent le pouvoir dans l'intérêt de la « vraie révolution ».

 

Or, ayant goûté au poison de la domination, de l'autorité et de ses prérogatives, persuadé lui-même et cherchant à persuader le monde qu'il est l'unique force révolutionnaire appelée à agir au nom du « prolétariat », se croyant « obligé » et « responsable » devant la Révolution, confondant par une aberration fatale le sort de celle-ci avec le sien et trouvant pour tous ses actes de prétendues explications et justifications, le Pouvoir ne peut ni veut avouer son fiasco et disparaître. Au contraire, plus il se sent fautif et menacé, plus il met d'acharnement à se défendre. Il veut rester à tout prix maître de la situation. Il espère même encore et toujours, « en sortir » et arranger les choses.

 

Comprenant parfaitement qu'il s'agit là, d'une façon ou d'une autre, de son existence même, le Pouvoir finit par ne plus discerner ses adversaires ; il ne distingue plus ses ennemis de ceux de la Révolution. De plus en plus guidé par un simple instinct de conservation, de moins en moins capable de reculer, il commence à frapper, avec un crescendo d'aveuglement et d'impudence, à tort et à travers. Il frappe sans distinction tous ceux qui ne sont pas avec lui. Tremblant pour son propre sort, il anéantit les meilleures forces de l'avenir.

 

Il étouffe les mouvements révolutionnaires qui, inévitablement, surgissent à nouveau. Il supprime en masse les révolutionnaires et les simples travailleurs coupables de vouloir relever l'étendard de la Révolution sociale.

 

Agissant ainsi, impuissant au fond, fort uniquement par la terreur, il est obligé de cacher son jeu, de ruser, de mentir, de calomnier, tant qu'il juge bon de ne pas rompre ouvertement avec la Révolution et de garder intact son prestige, du moins à l'étranger.

 

 

9° mais en foudroyant la Révolution, il n'est pas non plus possible de s'appuyer sur elle. Il n'est pas non plus possible de rester suspendu dans le vide, soutenu par la force précaire des baïonnettes et des circonstances.

 

Donc, en étranglant la Révolution, le Pouvoir est obligé de s'assurer, de plus en plus nettement et fermement, l'aide et et l'appui des éléments réactionnaires et bourgeois, disposés, par calcul, à se mettre à son service et à pactiser avec lui. Sentant le terrain se dérober sous ses pieds, se détachant de plus en plus des masses, ayant rompu ses derniers liens avec la révolution et crée toute une caste de privilégiés, de grands et de petits dictateurs, de flatteurs, d'arrivistes et de parasites, mais impuissant à réaliser quoi que ce soit de révolutionnaire et positif, après avoir écrasé et rejeté les forces nouvelles, le Pouvoir se voit obligé, pour se consolider, de s'adresser aux forces anciennes. C'est leur concours qu'il cherche de plus en plus souvent et de plus en plus volontiers. C'est d'elles qu'il sollicite accords, alliances et unions. C'est à elles qu'il cède ses positions, n'ayant pas d'autre issue pour assurer sa survie. Ayant perdu l'amitié des masses, il cherche de nouvelles sympathies. Il espère bien les trahir un jour mais, en attendant, il s'embourbe tous les jours davantage dans une action anti révolutionnaire et anti sociale.

 

La Révolution l'en attaque de plus en plus énergiquement. Et le Pouvoir, avec un acharnement d'autant plus farouche, s'aidant des armes qu'il a forgées et des forces qu'il a dressées, combat la Révolution.

 

Bientôt celle-ci est définitivement vaincue dans cette lutte inégale, elle agonise et se désagrège. […]

 

 

 

 

 

 

 

Livre deuxième : le bolchevisme et l'anarchie,

 

1ère partie : les deux idées de la Révolution,

 

chapitre II

 

 

 

 

[…]Ajoutons, en passant, qu'à notre époque la Révolution et la Réaction seront par leurs conséquences fatalement mondiales. D'ailleurs en 1789 déjà, le Révolution et la Réaction qui la suivit eurent des échos retentissant et provoquèrent des mouvements importants dans plusieurs pays.) Si la Révolution russe, continuant sa marche en avant, était devenue la grande Révolution émancipatrice, d'autres pays l 'auraient suivie à bref délai et dans le même sens. Dans ce cas, elle eût été, de fait et non seulement sur le papier, un flambeau puissant éclairant la vraie route à l'humanité. Par contre, dénaturée, arrêtée en plein recul, elle allait servir admirablement la réaction mondiale qui attendait son heure. (Les grands manitous de la réaction sont bien plus perspicaces que les révolutionnaires.) L'illusion , le mythe, les slogans, le décor et la paperasse restaient, mais la vie réelle, qui se moque des illusions, du décor, de la paperasserie, allait s'engager sur un tout autre chemin. Désormais, la réaction et ses vastes conséquences : le « fascisme », de nouvelles guerres et catastrophes économiques et sociales, devenaient presque inévitables.

 

 

Dans cet ordre d'idées, l'erreur fondamentale -et fort connue- de Lénine est très curieuse et suggestive. Comme on le sait, Lénine s'attendait à une extension rapide de la Révolution « communiste » à d'autres pays. Ses espoirs furent déçus. Et cependant dans le fond, il ne se trompait pas : la vraie révolution « incendiera le monde ». (c'est dit.) Une vraie Révolution eût incendié le monde. Seulement, voilà : « sa » révolution n'était pas la vraie. Et cela, il ne le voyait pas. C'est là qu'il s'est trompé. Aveuglé par sa doctrine étatiste, fasciné par la « victoire », il lui était impossible de voir que c'était une révolution ratée, égarée ; qu'elle allait rester stérile ; qu'elle n'allait rien incendier, car elle avait cessé elle-même de brûler ; qu'elle allait perdre cette puissance communicative, propres aux grandes causes, car elle cessait d'être une grande cause. […]Et il commit une seconde erreur, : il croyait que le sort ultérieur de la Révolution russe dépendait de son extension à d'autres pays. C'est exactement le contraire qui était vrai : l'extension de la Révolution russe à d'autres pays dépendait des résultats de la Révolution russe. Or, […]les témoignages négatifs s'accumulaient. L'élan nécessaire […] manquait, la cause restant douteuse. Ensuite vinrent les désaccords et les scissions. Tout cela faisait parfaitement le jeu de la réaction. Elle se prépara, s'organisa, passa à l'action.

 

Les successeurs de Lénine durent se rendre à l'évidence. Sans peut-être avoir perçu la vraie cause, ils comprirent intuitivement que l'état des choses prédisposait non pas à une extension de la Révolution « communiste », mais, au contraire, à une vaste réaction contre celle-ci. Ils comprirent que cette réaction serait dangereuse pour eux, car leur révolution, telle qu'elle avait été faite, ne pouvait s'imposer au monde. Ils se mirent fébrilement à l’œuvre de préparation de guerres futures, inévitables. Dorénavant, il ne leur restait plus que cette voie, et à l'histoire aussi !...

 

Il est curieux de constater que, par la suite, les « communistes » s'efforcèrent d'expliquer l'inachèvement et les écarts de leur révolution en invoquant l'entourage capitaliste, l'inaction du prolétariat des autres pays et la force de la réaction mondiale. Ils ne se doutaient pas -ou n'avouaient pas- […] qu'en détournant la Révolution, ils avaient eux-mêmes préparé le chemin à la réaction, au »fascisme » et aux guerres.

 

 

 

Note de l'auteur : qu'on ne se trompe pas pas sur le sort de la révolution qui vient ! Elle n'aura devant elle que deux voies : ou bien celle de la véritable et totale Révolution sociale qui aboutira à l'émancipation réelle des travailleurs (ce qui est objectivement possible), ou bien, une fois de plus, celle de l'impasse politique, étatiste et autoritaire, aboutissant fatalement à une nouvelle réaction, à des guerres et des catastrophes de toutes sortes. L'évolution humaine ne s'arrête pas. Elle se fraie un passage à travers n'importe quel obstacle, et de n'importe quelle manière. De nos jours la société capitaliste, autoritaire et politique lui interdit définitivement toute avance. Cette société doit donc disparaître maintenant d'une façon ou d'une autre. Si, cette fois encore, les hommes ne savent pas la transformer réellement et au moment même de la Révolution, les conséquences inéluctables en seront une nouvelle réaction, une nouvelle guerre, des cataclysmes économiques et sociaux épouvantables, bref, la continuation d'une destruction totale, jusqu'à ce que les hommes comprennent et agissent en conséquence. Car, dans ce cas, l'évolution humaine n'aura pas d'autres moyen de se frayer le chemin.

 

 

 

[…] Qu'il me soit permis d'abandonner, pour quelques instants, le domaine des faits concrets et d'entreprendre une brève incursion sur un terrain philosophique, d'aller un peu au fond des choses.

 

L'idée maîtresse de l' anarchisme est simple : aucun parti, groupement politique ou idéologique, se plaçant au dessus ou en dehors des masses laborieuses pour les « gouverner » ou les « guider », ne réussira jamais à les émanciper, même s'il le désire sincèrement. L'émancipation effective ne pourrait être réalisée que par une activité directe, vaste, et indépendante des intéressés, des travailleurs eux-mêmes, groupés, non pas sous la bannière d'un parti politique ou d'une formation idéologique, mais dans leurs propres organismes de classe (syndicats de production, comités d'usines, coopératives, etc), sur la base d'une action concrète et d'une « auto-administration (self-government), aidés, mais non gouvernés, par les révolutionnaires œuvrant au sein même, et non au dessus de la masse des organes professionnels, techniques, défensifs ou autres. Tout groupement politique ou idéologique qui chercherait à « guider » les masses vers leur émancipation par la voie politique et gouvernementale ferait fausse route, aboutirait à un échec et finirait fatalement par instaurer un nouveau système de privilèges économiques et sociaux, provoquant ainsi le retour, sous un autre aspect, à régime d'oppression et d'exploitation des travailleurs : donc à une autre variété du capitalisme,[…].

 

 

Cette thèse en amène nécessairement une autre : l'idée anarchiste et la véritable Révolution émancipatrice ne pourrait être réalisées par les anarchistes comme tels, mais uniquement par les vastes masses intéressées elles-mêmes, les anarchistes, ou plutôt les révolutionnaires en général, n'étant appelés qu'à éclairer et aider celles-ci dans certains cas. Si les anarchistes prétendaient pouvoir accomplir la Révolution sociale en « guidant » les masses, une pareille prétention serait illusoire, comme le fut celle des bolcheviques, et pour les mêmes raisons.

 

Ce n'est pas tout. Vu l'immensité -on devrait dire l'universalité- et la nature même de la tâche, la classe ouvrière seule ne pourrait elle non plus mener à bon port la véritable Révolution sociale émancipatrice. Si elle avait la prétention d'agir seule, en s'imposant à d'autres éléments de la population par la dictature et en les entraînant derrière elle de force, elle subirait le même échec. Il ne faut rien comprendre aux phénomènes sociaux ni à la nature des hommes et des choses pour croire le contraire.

 

Aussi, aux approches des luttes pour l'émancipation effective, l'Histoire prend nécessairement un tout autre chemin.

 

 

Trois conditions sont indispensables -dans cet ordre d'idées- pour qu'une révolution réussisse jusqu'au bout :

 

1° Il faut que de très vastes masses-des millions d'hommes dans plusieurs pays- poussés par la nécessité impérieuse, y participent de plein gré ;

 

2° que , de ce fait même, les éléments les plus avancés et les plus actifs : les révolutionnaires, une partie de la classe ouvrière, etc., n'aient pas à recourir à des mesures de coercition politique ;

 

3° que, pour ces deux raisons, l'immense masse « neutre », emportée sans contrainte par le vaste courant, par le libre élan de millions d'hommes et par les premiers résultats positifs de ce gigantesque mouvement, accepte de bon gré le fait accompli et se range de plus en plus du côté de la vraie Révolution.

 

Ainsi, la réalisation de la véritable Révolution émancipatrice exige la participation active, la collaboration étroite, consciente et sans réserve de millions d'hommes de toutes conditions sociales, déclassés, désœuvrés, nivelés et jetés dans la révolution par la force des choses.

 

Or, pour que ces millions d' hommes y soient acculés, il faut avant tout que cette force les déloge de l'ornière battue de leur existence quotidienne! Et pour que cela se produise il faut que cette existence, donc la société actuelle elle-même , devienne impossible : qu'elle soit ruinée de fond en comble, avec son économie, son régime social, sa politique, ses mœurs, ses coutumes, ses préjugés.

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Avant...

« Ce pouvait être vrai que le niveau humain fût plus élevé après qu'avant la révolution. La seule preuve du contraire était la protestation silencieuse que l'on sentait dans la moëlle de ses os, c'était le sentiment instinctif que les conditions dans lesquelles on vivait était intolérables et, qu'à une époque quelconque, elles devaient avoir été différentes."

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